Les bastides du 13e siècle à aujourd’hui

Aux confins de l’Agenais et du Périgord, par Pierre Simon

Le temps des fortifications

On insiste souvent, à juste raison, sur la période de fondation des bastides. Il est incontestable que cette période a laissé une empreinte durable et caractéristique sur la trame viaire et le parcellaire.  On ne souligne pas assez que dès le 14e siècle, progressivement les textes parlent beaucoup moins des bastides car l’urgence, c’est la guerre, les fortifications, les rois attendent le soutien des villes quelque soit leur statut.

Les bastides se préoccupent avant tout de leurs fortifications comme toutes les villes. Si les fortifications de Monflanquin sont attestées dès 1283, celles de Monpazier sont au moins envisagées dès 1289 et les portes datent de la fin du 13e ou du début du 14e siècle mais celles de Villeneuve ne sont demandées qu’en 1313.  Il ne faut pas oublier que les remparts sont une œuvre de longue haleine et souvent à reprendre. La guerre entraîne, au moins dans un certain nombre de cas, des réductions de population, un resserrement de la zone habitée. La disparition d’un faubourg nord est attesté à Monpazier. G. Séraphin a souligné que toutes les habitations médiévales de Villefranche-de-Périgord sont dans la partie ouest de la bastide : il semble que Villefranche soit en grande partie inhabitée à le fin de la guerre de Cent Ans.

Les Guerres de Religion

Il y a quelques traces des reconstructions de la fin du 15e et du début du 16e siècles dans les bastides comme dans les autres bourgs mais les guerres de Religion sont peut-être encore plus destructrices. Les Chroniques du chanoine Tarde évoquent le pillage réciproque auquel se livrent les bastides de Monpazier et de Villefranche-du-Périgord en 1577. Les bâtiment religieux qui étaient souvent les plus en vue dans les bastides ont eu beaucoup à souffrir, toutes les églises mais aussi les couvents. À Monflanquin, le couvent des Augustins qui était resté à l’extérieur de la ville est saccagé en 1569.

Vient heureusement le temps de la reconstruction. Mais qui est aussi celui de l’enracinement de la Réforme et de la construction des Temples et de la Contre-Réforme catholique qui implante de nombreux monastères, même à Villeneuve où les bénédictins avaient empêché toute construction faite par un autre ordre religieux sur la rive droite de la ville. Ainsi les Augustins s’installent dans Monflanquin en 1624, les Récollets dans Monpazier en 1644. Avec le 18e siècle, les fortifications sont souvent vues comme des obstacles d’un autre âge : à Monpazier les ponts, portes et fossés sont affermés en 1709, à Villeréal, les consuls acceptent la destruction des tours du « fort » en 1717 pour utiliser la pierre pour des travaux d’urbanisme, à Monflanquin, une partie des remparts servent à reconstruire le couvent des Augustins, comme à Monpazier pour la maison de charité. A Villeréal, les Dames de la Foy sont installées sur la place des cornières à partir de 1713. A Villefranche, l’hôpital est créé en 1736 et restauré en 1776. Les remparts font progressivement place à des promenades, à Monflanquin, l’actuelle place Caladon a été créée par le capitaine d’un régiment qui s’appelait Caladon dans le cadre d’un chantier de charité en 1752.

Les bouleversements du 19e siècle

Mais, plus la ville est grande, plus les bouleversements ont été importants au 19e siècle.

C’est naturellement Villeneuve qui est l’exemple le plus frappant : l’hôpital St-Cyr est créé en périphérie à partir de 1833 et une nouvelle artère dans le prolongement du nouveau pont coupe la bastide un peu avant la guerre 1914-1918. L’église Sainte-Catherine est réédifiée à partir de 1897. A Villefranche, l’église est reconstruite en 1866. Mais plus que ces constructions spectaculaires, ce sont de très nombreuses maisons qui sont reconstruites ou substantiellement rénovées.

Il est très frappant que pour l’essentiel, le plan est sauvegardé dans tous ces changements depuis le 16e siècle.

Le temps des passionnés

L’histoire des bastides n’aurait pas été remise en valeur autrement que comme objet d’études si une poignées d’amateurs du patrimoine, souvent sous l’influence du tourisme, n’avait pas défendu bec et ongle un respect et une valorisation du cadre architectural des bastides comme ceux qui se sont retrouvés dans le cadre du CEB (Centre d’Études des Bastides), à partir de 1973 dont Claude Pons de Monflanquin fut l’infatigable secrétaire après avoir été l’initiateur de la Maison des jeunes et de la Culture de Monflanquin qui à la fin des années 1960 prit en charge l’animation touristique impulsée par la mairie.

Les bastides, c’est la magie des origines mais aussi la lutte des hommes pour leur constante adaptation dans le respect de leur urbanisme !