La formule ‘bastide’ : un cadre juridique

Les recherches historiques actuelles montrent que le mot bastide a été utilisé de façon souple : il ne désigne pas toujours la ville réalisée selon le modèle en damier avec place carrée qui a connu le succès médiatique, depuis les descriptions de Curie-Seïmbre, ou de Viollet-le-Duc sur Monflanquin. En fait pas plus de la moitié des bourgs bastides ont un tel plan !

En à peine plus d’un siècle, le mot bastide a été utilisé dans des contextes différents, nous évoquons ci-après les cas les plus typiques. Le point commun entre ces diverses réalisations apparaît le statut juridique, avec pour ossature la sujétion directe des habitants au fondateur, au lieu qu’ils dépendent d’un petit seigneur local. Une observation renforce ce point de vue : il existe des cas où un statut et une charte de coutumes sont accordés à une agglomération préexistante, sans aucune modification de l’habitat : dans ces cas, le statut de bastide renforce les droits de la communauté (par exemple : Lacommande, 64) et il n’y a rien eu d’autre qu’un acte juridique.

Les motivations défensives, ou au contraire administratives ou agricoles ont conduit à implanter les bastides dans des lieux typiques différents.


Les bastides défensives en situation de crête

  • Si le traité de Meaux a imposé la paix dans le domaine du comté de Toulouse, la situation en frontière du domaine Plantagenêt est restée longtemps conflictuelle. La formule bastide y a été employée pour des noyaux d’habitat en position défensive sur les crêtes, telles que Puymirol. En outre, dans l’actuel département des Landes, la maîtrise du domaine par le duc d’Aquitaine roi d’Angleterre a dû se faire avec des moyens limités par suite des révoltes outre-Manche ; d’anciens castrums sont réutilisés avec un nouveau statut ou une extension d’habitat, ce qui produit des bastides assez différentes de l’image  conventionnelle (Miramont-Sensacq, Bonnegarde…). En situation de crête, un certain nombre de bastides ont ainsi un plan contraint par la topographie et qui prend des libertés par rapport au plan en damier. Les croupes les plus larges donnent toutefois de beaux exemples de plan régulier comme Monflanquin.
Tournon d'Agenais

Tournon d’Agenais : une situation de crête typique

Les “bastides ports”, en bordure de rivière

Le discours classique sur les bastides s’applique bien à différentes agglomérations où la vocation urbaine est nette : pour la bastide de Grenade (31) étaient prévues 3000 maisons : il n’en fut réalisé que 1000 mais l’intention de peuplement est incontestable. Des cas typiques sont les bastides s’étalant en fond de plaine alluviale, comme Geaune, Lalinde ou Sainte-Foy-la-Grande (photo ci-dessous).

Ste Foy aérien

Sainte-Foy-la-Grande au bord de la rivière et à l’intersection de voies de passage

Les bastides à vocation agricole

  • Les conventions juridiques de la bastide sont également utilisées pour des opérations d’implantation agricole : il s’agit alors uniquement d’une réforme agraire, d’une délimitation de terres à mettre en culture, tantôt avec un habitat initial réduit (bastides du bailliage de Nay telles Bruges, Gan ou Rébénacq photo ci-dessous), tantôt même sans habitat du tout, ou avec juste quelques granges (Montaigut dans les Landes).
Vue aérienne

Le cœur actuel du village de Rébénacq (64) diffère sans doute assez peu de la bastide originelle : un petit nombre de maisons autour de la place pour une mise en culture du paysage environnant