Les motivations des créateurs de bastides

Les bastides s’inscrivent dans un  vaste mouvement de création de noyaux d’habitat à échelle européenne. Dans le Sud-Ouest de la France, elles sont la phase terminale de cet élan de fondations, elles viennent en effet après d’autres formes de bourgs, créés sous la dépendance de l’Église (sauvetés) puis des seigneurs locaux (castelnaux, bourgs castraux).

Les motivations globales sont de fixer la population en croissance rapide, de mieux contrôler le territoire, surtout en zone frontière, et de répondre au développement économique. Mais les circonstances et motivations de détail ont varié d’un secteur à l’autre.

  • Le nombre de bastides créées en zone frontière a conduit de longue date à voir dans les créations un moyen de densifier la présence dans la zone d’incertitude que constituait alors la limite des seigneuries. Charles Higounet a pu ainsi écrire que les bastides ont contribué à préciser la notion de frontière : Saint-Justin et La Bastide d’Armagnac se faisaient face de part et d’autre de la frontière de l’Armagnac.
  • Une bastide n’est toutefois généralement pas une ville “fortifiée” (au sens que ce mot prendra à partir du XVIe siècle). Le plus souvent une bastide est entourée de simples palissades. Toutefois les portes en pierre sont souvent prévues (notamment pour assurer et protéger le poste de péage), quelquefois conservées comme à Vianne : ces protections suffisent contre des malfrats ou des petites troupes locales sans moyens militaires importants. Une bastide se prête à une mise en auto-défense en mobilisant la population.
  • La position de différentes bastides à proximité de rivière voire au bord de l’eau conduit à interpréter un certain nombre de bastides comme des ports permettant d’alimenter le trafic fluvial par les produits agricoles du terroir : Lalinde, Libourne… ; le trajet le long des cours d’eau est alors le moyen majeur de transit. En particulier Michel Coste a montré l’importance du trafic du vin pour la Dordogne, le Lot et la Garonne : le développement des bastides se corrèle avec le trafic des ports de Libourne et Bordeaux. Cette importance du trafic fluvial peut être également suspectée pour les rivières ou fleuves dans le domaine anglo-plantagenêt avec, au moins jusque dans les années 1300, Mont-de-Marsan comme plaque tournante et appui stratégique, ce commerce fluvial était dirigé vers Bayonne, ainsi pour Saint-Justin, Geaune… .
  • D’autres bastides mentionnées par les textes sont en bordure de plateau, où elles sont probablement liées à des zones de défrichement ou au moins d’exploitation agricole : Miramont-Sensacq.
  • Enfin le contrôle d’axes routiers ou de carrefours de routes fait partie des motivations dans d’autres cas : Pimbo

Selon les seigneuries et les enjeux locaux, et en fonction de la géographie locale (terres agricoles, voies de transit fluvial ou terrestre), le concept de bastide a été utilisé assez souplement, ce qui contribue à leur diversité. Selon les lieux et la chronologie, telle ou telle fonction se trouve dominante, il en résulte des bastides à la physionomie diversifiée.