Une première génération de ‘bastides’

Le mot ‘bastides’ a été employé d’abord aux XI-XIIe siècles dans un sens différent de celui considéré ici. Il s’agissait de petites constructions à l’écart, généralement fortifiées et créées par des seigneurs de second rang, voire de simples chevaliers. Elles sont bien connues en Provence, mais étaient répandues en fait dans l’ensemble de la zone d’Oc. Ce sont aujourd’hui de petits hameaux souvent appelés “Labastide” ou “Labâtie”. Plusieurs événements vont conduire à utiliser ce terme par la suite dans une signification différente.

Le traité de Meaux-Paris

Le traité dit de Meaux-Paris signé en 1229 marque la reddition du comte de Toulouse Raymond VII suspecté de ne pas avoir lutté avec assez d’énergie contre l’hérésie des ‘Bons hommes’ (aujourd’hui dits Albigeois ou cathares). Ce traité lui enjoint de ne plus construire de villes fortifiées. Les nouvelles villes seront ouvertes, elles peuvent donc être situées en plaine et non plus sur des sites de crête. Les rues droites et orthogonales, formant un plan en damier, sont l’indice de ces implantations volontaires ; le mot bastide est alors réemployé, mais dans un sens nouveau, souligné par l’expression latine : bastida sive populatio, bastide au sens de lotissement. La première bastide créée dans cette nouvelle acception semble avoir été Lisle-sur-Tarn (entre 1229 et 1234) [une île désigne alors non pas une terre au milieu d’une rivière mais un ensemble de maisons groupées, nous parlons aujourd’hui d’un îlot de maisons]. Puymirol est créée la décennie suivante (1246).

Carte dates fondation

Carte des dates de fondation des bastides de notre réseau

La chronologie d’apparition des bastides n’est pas homogène sur l’ensemble du Sud-Ouest : le rythme et la nature des bastides diffèrent selon les seigneuries.

  • Le comté toulousain se trouve pacifié avant 1250 par le traité de Meaux-Paris et les bastides y sont précoces.
  • Les aléas de la guerre de Gascogne produisent des mouvements de balancier dans l’Agenais (alternativement aux mains des Capétiens et des Plantagenêts), expliquant certaines bastides plus tardives.
  • Dans le domaine Plantagenêt (actuel département des Landes), il faut attendre 1280 pour que le roi-duc autorise l’implantation de villes nouvelles.
  • Au sud, le Béarn s’est tenu à l’écart des conflits, mais pour des raisons locales n’utilise qu’avec parcimonie la formule bastide avant les années 1300, les bastides y sont donc tardives.

Les bastides intègrent peu à peu la dimension commerciale, avec des places de marché qui vont se généraliser puis devenir de plus en plus grandes (plus de 60 m de côté : Créon, voire 80 m à Vielleségure). Cette dimension commerciale des bourgs s’était manifestée avant les bastides (Montauban, 1150 et une série de bourgs marchands dans le toulousain) ; l’incidence des contraintes militaires a pu freiner un temps le plein épanouissement de cette fonction commerciale : celle-ci s’épanouit dans les bastides classiques où la place centrale a un rôle structurant très fort.

La contribution au réseau commercial des foires et marchés, mais aussi l’évolution juridique qu’elles concrétisent font des bastides l’un des maillons ayant contribué à la mise en place des États modernes.

La fin des constructions

Le mouvement de création de bastides s’arrête dans la décennie 1340-1350. Dans l’actuelle Région Aquitaine, Rébénacq semble la dernière fondée en 1347. Plusieurs causes provoquent l’arrêt des fondations. Une décroissance économique se fait sentir (les ‘remuements de monnaie’ de Philippe le Bel témoignent des difficultés des pouvoirs centraux). L’arrivée de la peste en 1348 provoque une saignée dans les populations, il n’y a plus les forces vives pour créer des implantations nouvelles. Enfin les faits de guerre – qui ponctuent déjà la période 1250-1350 par des créations rares en période de conflit – se généralisent avec la Guerre de Cent Ans : son déclenchement survient à propos des droits de territoire et de contrôle de la Garonne, dans le secteur de la bastide de Saint-Sardos.